Dans le cadre des Amphis Pour Tous organisés par l’Université de Savoie, le mardi 15 novembre 2016, Clémence Perrin-Malterre, Maître de conférence au Laboratoire Environnements, Dynamiques et Territoires de la Montagne (EDYTEM) et Anne Loison, Directrice de recherche CNRS au Laboratoire d’Écologie Alpine (LECA) ont animé une conférence sur le thème Pratiques de la montagne et la faune sauvage.
Sans rentrer dans les détails des recherches passionnantes menées dans le massif des Bauges et présentées lors de la conférence – je laisse les chercheurs publier leurs résultats – voici un résumé de cette conférence et de ce qu’il faut avoir à l’esprit quand on pratique une activité outdoor quant à notre impact sur la faune sauvage.
Pratiquer l’outdoor pour se ressourcer
Que l’on soit randonneur, alpiniste, coureur de trail, skieur, snowboarder ou adepte des raquettes, en tant que pratiquant d’activité outdoor nous sommes tous d’accord d’une chose : la montagne est un endroit parfait pour échapper au stress du quotidien et pour s’aérer la tête au milieu de paysages envoutants, loin du tumultes de nos villes et de nos vies. Nous parcourons les montagnes sur les sentiers, les pistes et parfois, nous aimons tracer la route hors de sentiers battus. Et puis, au détour de nos promenades nous apercevons occasionnellement pour notre plus grand plaisir des animaux, ce qui renforce la sensation d’évasion. Marmottes, chamois, oiseaux… nos montagnes sont peuplées de nombreuses espèces sauvages et très souvent nous oublions un élément important : nous sommes les intrus, nous entrons sur des territoires occupés par d’autres et nous venons perturber un certain équilibre fragile. Nous pensons parfois, malgré nos bonnes intentions et nos bonnes pratiques que notre passage est sans conséquences. Hors, face à la forte croissance de la pratique des sports de pleine nature, il est important que nous ayons conscience du milieu dans lequel nous posons les pieds. Bien sur il ne s’agit pas d’arrêter le ski, la randonnée ou tout autre activité dans les massifs ! Il faut néanmoins essayer de trouver des solutions adaptées pour cohabiter avec la faune sauvage et préserver le milieu montagnard.
La faune sauvage menacée
Rappelons-nous que la faune sauvage est en fort déclin dans le monde et l’extinction d’espèces augmente fortement depuis le début du XXème siècle. À l’échelle de la planète s’opère pour la faune sauvage des changements de l’habitat sans précédent du fait de l’activité humaine. La diminution de la surface d’agriculture et d’élevage, l’augmentation de l’urbanisation font perdre des zones d’habitats naturels et des zones non perturbées. Ceci est un fait. La bonne nouvelle est que dans nos montagnes, pour l’instant il est constaté par les scientifiques une augmentation de la population des chamois, mouflons, cerfs et chevreuils. La moins bonne en revanche est que des oiseaux comme le Lagopède ont du mal à s’en sortir. Certaines espèces s’adaptent mieux que d’autres et « s’habituent » à la présence de l’homme. Plus précisément, des espèces ont su trouver des zones d’habitats leur permettant de vivre leur vie sans perturbations importantes.
Une pratique en augmentation
D’un point de vu touristique et économique depuis quelques années la publicité sur la destination montagne augmente, de nombreuses marques outdoor spécialisées dans l’équipements amplifient le marketing autour de la montagne et nous avons vu naître l’éco-tourisme ou le tourisme de vision (observation de la faune sauvage dans son habitat naturel). Tout cela participe à la progression de la pratique des sports outdoor favorisant la présence de l’homme, le piétinement, le développement d’infrastructures et la production de pollutions organiques et sonores dans les milieux naturels. De plus en Savoie et Haute Savoie la population augmente depuis 45 ans (+50% pour l’une et 100% pour l’autre), le tourisme augmente et donc de plus en plus de pratiquants parcours la montagne au quotidien.
La montagne est un milieu naturel fragile mais particulièrement attractif pour pratiquer ses activités de plein air. 85% de la population pratique un sport et 81% de cette population recherche un contact avec la nature. Il est facile de se rendre en montagne et cette activité du fait de son faible coût (ou presque selon le sport) est à la portée de tous. La plus part des individus qui viennent en montagne sont là pour le ressourcement, la contemplation et le loisir. L’effort bien que nécessaire pour atteindre l’objectif de n’est pas la priorité, sauf peut-être pour les coureurs d’ultra-trail qui recherchent une performance avant tout – salut à vous, si je me trompe dites le moi. Face au bien être procuré par les grands espaces nous oublions un peu que nous entrons dans des zones d’habitat et que nous pouvons être amenés à perturber et stresser les animaux. D’autant plus que certains d’entre-nous aiment (essayer d’) approcher au plus près les animaux pour les observer et les photographier.
Explorer des espaces naturels
Les animaux sauvages choisissent de s’établir dans des espaces où il leur sera facile de trouver de la nourriture. Par exemple un chamois adulte doit prendre pendant les mois d’été 10 kg en 200 jours, ne faites pas le calcul ça donne 50g par jour. Sachez qu’il est important que l’animal prennent du poids pour se reproduire et passer l’hiver où la nourriture est plus rare. Maintenant, si nos parcours de randonnées ou de VTT passent au plus près des zones d’alimentation, notre présence va pouvoir venir perturber l’animal qui aura alors comme priorité non plus de se nourrir, mais de fuir. Qui dit fuite dit stress donc plus de vigilance et donc moins de temps passé pour s’alimenter puisque nous l’avons fait partir de son garde-manger. L’autre problème vient du fait que nous développons des infrastructures dans les montagnes, routes, habitations, remontées mécaniques (on laisse les activités d’élevage de côté)… ce qui créer une fragmentation du territoire, donc une perte d’habitat et une répartition de la population dans des zones plus restreintes. Ceci peut avoir un impact négatif sur la démographie (consanguinité et diminution des réserves alimentaires). L’animal est amené à toujours chercher de nouvelles zones de vie. Heureusement depuis des décennies des zones ont été protégées, des Parcs Nationaux ou naturels ont été créés mais ce n’est pas suffisant pour limiter la présence de l’homme.
Les scientifiques collectent des informations et croisent des données pour permettre de délimiter des espaces qu’il faudrait réserver à la faune. D’un côté on observe où vivent les animaux par le biais de balises GPS. D’un autre on équipe les « outdooriens » de GPS et on regarde où ils vont. Ceci permet de savoir si les sentiers les plus pratiqués passent dans des zones de quiétude et s’il faut ensuite les détourner, délimiter voir interdir l’accès à certains espaces. Des actions de prévention sont menées et des panneaux d’indications sont posés au départ des sentiers mais restent encore parfois trop insuffisants.
À nous de se renseigner comme il faut sur les espaces que nous explorons. À nous de respecter les règles établies par les parcs et puis, à nous d’être acteur. Nous sommes tous concernés. Le ski et la randonnée sont pratiqués depuis de nombreuses années et les animaux ont eu le temps de s’adapter un peu du fait que les espaces occupés par l’homme n’ont pas trop évolués. Avec le développement de nouvelles activités comme par exemple les trails ou ultra-trails toujours plus haut, toujours plus loin et le développement des VTT électriques qui permettent un nouvel accroissement de la fréquentation de l’espace alpin, les animaux doivent sans cesse s’adapter, de plus en plus rapidement, sans quoi ils pourraient disparaître ou en tout cas devenir des espèces menacées.
Continuons de faire ce que nous aimons, continuons d’aller explorer nos beaux espaces dans les montagnes mais ne faisons pas n’importe quoi sous prétexte que ces espaces sont ouverts.